L’Hospitalisation sous contrainte et le rôle de l’avocat

L’hospitalisation sous contrainte, à la demande d’un représentant de l’Etat (appelée « admissions en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État ») prévue par le Code de la Santé Publique, est une procédure complexe, laissant bien souvent les individus qui en font l’objet et leurs familles dans l’interrogation et l’angoisse.

Pour des raisons médicales, un individu va en effet être privé d’une partie de ses droits et libertés, et ce parfois au nom d’un quasi principe de précaution : éviter la réalisation d’un risque, protéger l’ordre public et la sûreté des personnes.

Or, contrairement à d’autres mesures privatives de libertés, ni la personne faisant l’objet de la mesure de contrainte, ni sa famille, ne savent pendant combien de temps sera maintenue cette mesure. On peut alors aisément imaginer la détresse de ceux-ci.

La loi française permet ainsi à un représentant de l’Etat (Préfet) d’ordonner, par la voie de l’arrêté préfectoral, l’hospitalisation d’office (ou sous contrainte) d’un individu.

L’article L3213-3 du Code de la Santé Publique dispose que :

« Le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaire. Ils désignent l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade. »

L’admission en soins psychiatriques sous contrainte à la demande d’un représentant de l’Etat ne peut donc être décidée que si deux conditions sont réunies : la présence de troubles nécessitant des soins et que ces mêmes troubles compromettent l’ordre public et la sûreté des personnes.

Une fois la décision prise par le Préfet d’hospitaliser d’office un individu, une première période d’hospitalisation complète de 72 heures va débuter : période d’observation et de soins initiale.

Lors de cette période d’hospitalisation, deux certificats médicaux (un de 24  heures et un de 72 heures) devront être établis par deux médecins différents, afin de confirmer l’éventuelle nécessité de la poursuite des soins.

Depuis le loi du 5 juillet 2011 : au-delà de 12 jours, l’hospitalisation sous contrainte ne pourra se poursuivre que sur autorisation du Juge des libertés et de la détention.

Aussi, une audience devra se tenir devant ce magistrat, et la personne faisant l’objet de la mesure de soins psychiatriques aura la possibilité d’être assistée d’un avocat.

Le rôle de l’avocat va être fondamental car les risques graves d’atteintes aux libertés et droits fondamentaux sont loin d’être négligeables. Il devra notamment vérifier la régularité de la procédure (motivation de l’arrêté préfectoral suffisante, régularité des certificats médicaux de 24 et 72 heures, notification de ses droits à l’intéressé…).

L’avocat devra notamment vérifier que la double condition à l’hospitalisation sous contrainte est bien remplie : la présence de troubles nécessitant des soins ET le risque d’atteinte à l’ordre public et à la sûreté des personnes. Sans quoi, la mesure d’hospitalisation sous contrainte doit être levée.

L’hospitalisation sous contrainte, surtout quand décidée par le Préfet, impose une vigilance toute particulière dans le respect des libertés des personnes qui en sont l’objet : les mesures d’hospitalisation sous contrainte portent nécessairement atteinte à la liberté d’aller et venir, liberté garantie à chaque individu.

L’article L3211-3 du code de la santé publique prévoit en ce sens :

« Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée»

Cet article prévoit donc une nécessaire proportionnalité entre la mesure d’hospitalisation décidée et l’atteinte aux libertés des individus : la levée de la mesure doit donc être sollicitée chaque fois que l’atteinte aux droits et libertés sera manifestement disproportionné par rapport au risque porté à l’ordre public.

Il sera alors intéressant pour les avocats de ressaisir le Juge des Libertés et de la Détention au cours de la mesure sur ce fondement afin de solliciter une mainlevée de la mesure de contrainte.

Enfin, il ne peut qu’être constaté que de nombreux combats sont à mener par les praticiens du droit et notamment par les avocats dans l’amélioration des garanties des droits des personnes hospitalisées sous contrainte.

A titre d’exemple, les garanties existantes en matière de droit à l’infirmation sont bien insuffisantes.

L’article L3211-3 du code de la santé publique prévoit le droit à l’information de la personne concernée par la mesure :

« En outre, toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

  1. a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1. »

Cependant, dans un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de Cassation estime que le défaut d’information sur ses droits du patient qui subit une mesure de soins psychiatriques sans consentement, affecte d’illégalité l’exécution de la mesure, et non la mesure elle-même au niveau du processus de prise de décision de cette mesure.

Ainsi, le défaut d’information du patient sur ses droits n’est donc pas une illégalité externe susceptible de provoquer l’annulation de cette mesure elle-même, mais une illégalité interne affectant uniquement l’exécution de cette mesure.

La décision de la Cour de Cassation est critiquable, dans la mesure où comme il est désormais établi strictement en matière de garde à vue par exemple, la notification des droits aux patients doit être absolue.

Il va ainsi falloir que, avec le même acharnement que pour le contentieux de la garde à vue notamment, les avocats fassent entrer le droit dans le domaine de l’hospitalisation d’office.

L’assistance d’un avocat est indispensable pour s’assurer de la validité de la procédure, du respect des droits fondamentaux de la personne faisant l’objet d’une mesure d’hospitalisation d’office. Contactez le cabinet !